D’élève ingénieur à doctorant : le parcours de Marouane Il Idrissi
Marouane Il Idrissi, ENSAI promo 2020, s’apprête à débuter une thèse Cifre chez EDF R&D. Devenir doctorant s’est imposé progressivement, au fil de son parcours académique riche, au gré des rencontres et grâce à l’Option de Formation par la Recherche proposée à l’ENSAI. Entretien avec un ingénieur et futur thésard.
L’Option de Formation par la Recherche (OFPR), autrement appelée “PhD Track” dans d’autres établissements, permet aux étudiants de l’ENSAI de se familiariser avec le monde de la recherche à travers un programme de cours dispensés par des établissements partenaires, en parallèle de leur cursus ingénieur.
Dès la première année, les élèves ingénieurs ont la possibilité de suivre des cours de Licence 3 en Mathématiques à Rennes 1. En deuxième année, ils peuvent s’inscrire en licence 3 en économie appliquée à l’Université Paris-Dauphine. La troisième année du cursus ingénieur peut quant à elle mener à un double diplôme : le diplôme d’ingénieur de l’ENSAI et le Master 2 Recherche en Mathématiques Fondamentales à l’Université de Rennes 1, pour les étudiants de la filière Génie Statistique. En fonction de leur spécialisation, les étudiants de troisième année ont accès à des cours supplémentaires dans les domaines des biostatistiques, bio-informatique, finance, économie…
L’OFPR permet en outre aux étudiants d’assister à des interventions de professionnels de la recherche, sur des thématiques diverses, à l’ENSAI, aux côtés d’enseignants-chercheurs.
Quel est ton parcours académique et qu’est-ce qui t’a incité à rejoindre l’ENSAI ?
Marouane Il Idrissi : Après avoir obtenu un baccalauréat Economique et Social en 2012 dans un lycée français à l’étranger, j’ai commencé par trois ans à l’université en Economie et en Sociologie, à Paris et à Lyon, durant lesquels je n’ai pas réussi à pleinement m’épanouir. Par la suite, j’ai entendu parler des D.U.T, et en particulier de la spécialisation en Statistique et Informatique Décisionnelle (STID).
C’est durant ma formation STID à Niort que j’ai découvert le monde de la statistique appliquée et de l’informatique. Mes enseignants de l’époque ont su m’insuffler leur passion et j’ai tout de suite accroché. J’ai été fasciné par le pouvoir des statistiques dans le cadre de la compréhension des phénomènes physiques, sociaux ou même économiques et du cadre sous-jacent qui permet d’arriver au processus d’une prise de décision plus éclairée.
Etant d’un naturel assez curieux, j’ai voulu aller au-delà du « comment ça marche » pour répondre à la question du « pourquoi ça marche« . C’est pour aller dans ce sens que j’ai rejoint l’ENSAI, dont la formation est principalement centrée autour de cette question, tout en offrant un cadre pratique vecteur d’exemples concrets.
J’ai choisi de rejoindre la filière Génie Statistique (GS) en troisième année, car c’est celle qui est la plus généraliste et qui permet d’étudier un large panel de méthodes. Arrivé en fin de deuxième année, je ressentais encore le besoin d’aller plus loin dans la découverte de ce qui pouvait être fait en statistique. De plus, la spécialité Génie Statistique permet de faire un tour d’horizon d’un grand nombre de champs professionnels (industrie, environnement, finance…), et permet donc de construire son avenir.
Quelles sont les raisons qui t’ont poussé à suivre l’OFPR ?
M.I : Il y a deux raisons principales qui m’ont conforté dans ce choix. La première étant la réalisation que ma source d’épanouissement n’était pas la réponse à la question “pourquoi ça marche” en tant que telle, mais plutôt le processus intellectuel de réponse à cette question. J’ai ressenti le besoin d’approfondir mes connaissances sur ce que j’apprenais à l’ENSAI. La double formation du Master 2 Recherche en Mathématiques Fondamentales à l’Université de Rennes 1 en parallèle de la troisième année à l’ENSAI offrait justement cette possibilité.
La deuxième raison était que j’envisageais d’entreprendre une thèse à la suite de mes études, pour pouvoir me diriger vers une carrière dans la recherche. L’OFPR en général, et en particulier le double-diplôme que j’ai suivi, permet de se préparer au formalisme requis lors des travaux de recherche, tout en se familiarisant en amont avec un grand nombre de notions fondamentales nécessaires.
En soit, l’OFPR est ouverte à tous les étudiants intéressés, mais elle demande pas mal de travail supplémentaire qu’il faut être prêt à fournir ! De mon point de vue, cette option vaut vraiment le coup pour quelqu’un qui chercherait à approfondir ses connaissances et agrémenter sa formation d’un aspect plus fondamental.
Te lancer dans une thèse a-t-il toujours été une évidence ? Y a-t-il eu un déclic particulier ?
M.I : Ah non, pas du tout ! Au départ, j’avais cette image du doctorant comme étant un génie de sa discipline, à qui tout vient facilement et à laquelle je ne m’identifiais absolument pas. L’idée de poursuivre en thèse m’avait été soufflée dès mon D.U.T, mais je n’ai considéré sérieusement cette possibilité que bien après. J’ai eu l’occasion d’en discuter de nombreuses fois avec plusieurs enseignants de l’ENSAI, qui m’ont permis de passer outre l’idée que ce n’était pas fait pour moi. Ils ont su m’encourager vers la voie de la recherche et surmonter le syndrome de l’imposteur.
Pour la petite histoire, j’ai eu le déclic quand j’ai enfin compris les notions de M-Estimateurs en cours de Statistiques Mathématiques que j’avais décidé de suivre en deuxième année. J’avais pas mal de retard dû à mon orientation d’origine, mais à force de travail j’avais enfin réussi à comprendre ce cadre théorique. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que je voulais creuser encore plus profondément dans la théorie, d’où ma décision de poursuivre mes études en doctorat.
Où as-tu fait ton stage de fin d’études de cursus ingénieur et sur quel sujet ?
M.I : J’ai fait mon stage de fin d’études chez EDF R&D, sur le campus de Chatou, dans les Yvelines. J’ai travaillé sur un sujet assez méthodologique, dans le domaine de l’analyse de sensibilité. Mes travaux ont consisté à proposer de nouveaux indices permettant de quantifier l’influence des variables d’entrée sur la sortie d’un modèle numérique, dans le cadre de la fiabilité (occurrence d’un état de défaillance), et dans un contexte complexe (dépendance entre les covariables).
Mon sujet se trouvait au carrefour de l’analyse fonctionnelle, de la statistique, du domaine de la fiabilité et de la théorie des jeux. Autant dire que j’ai énormément appris ! J’ai également eu la chance de pouvoir travailler étroitement avec plusieurs spécialistes reconnus du domaine et de collaborer avec les ingénieurs de recherche et doctorants de chez EDF, malgré le confinement. C’était vraiment une expérience extrêmement enrichissante ! Par ailleurs, mes travaux seront soumis pour publication dans une revue internationale et je suis actuellement en pleine rédaction.
La prochaine étape désormais, c’est la thèse. Peux-tu nous en dire plus ?
M.I : Je devrais entamer une thèse Cifre (convention industrielle de formation par la recherche) avec EDF que l’on espère commencer au courant du premier trimestre 2021, au sein de la même équipe dans laquelle j’ai effectué mon stage. Le laboratoire associé est l’Institut de Mathématiques de Toulouse et le sujet porte sur le développement de méthodes d’interprétabilité en apprentissage automatique. Mes travaux de stage s’inscrivent parfaitement dans ce sujet de thèse, qui nécessitera très certainement de creuser certaines notions que j’ai déjà abordées.
J’ai pu découvrir le métier d’ingénieur de recherche durant mon stage, au carrefour de l’appliqué et de l’abstrait. C’est une piste professionnelle qui m’intéresse fortement, mais à ce stade je reste ouvert à toute possibilité.